Tu veux savoir comment maximiser tes chances d’avoir un accident en montagne ? Comment transformer une randonnée aux paysages magiques en un séjour aux urgences ? « All inclusive » depuis le transport en hélicoptère jusqu’aux 6 mois de galère ? Parfait ! J’ai profité de ces journées maussades pour te partager mon expérience de 2016, dans les écrins et te donner la recette à suivre pour, toi aussi, tenter de gagner l’accident.
Evidemment, d’autres scénarii te permettraient d’atteindre le même résultat. Toutefois, si tu suis ces 7 étapes, il y a des chances pour que ça marche. Allons-y !

- Tu prévois de partir randonner le samedi pour faire une boucle via le lac de la Muzelle, le col du Vallon et le lac du Lauvitel (tu trouveras le lien vers le descriptif en fin d’article) ? Alors commence par faire de grosses soirées les 3 nuits précédentes, soit dès le mercredi. En particulier, rentre tard et bien éméché dans la nuit du vendredi au samedi. Idéalement, accompagné, histoire de maximiser les chances de ne pas dormir !!

- Pars avec un pote qui n’a pas l’habitude de la rando et surtout, n’en tiens pas compte. Tu as la tête dans le c.. donc tu as besoin de te défouler. Tu marches vite, tu sues de l’alcool, et t’oublies que ton pote n’a pas l’habitude de la montagne. Tu te rends compte le soir venu qu’il est complètement cramé. Et oui, car tu l’as embringué dans ta soirée de la veille pour que lui aussi passe une nuit de m….

- Arrivé sur le lieu de bivouac, tu vois un glacier un peu plus haut et tu trouves que c’est une excellente idée d’ajouter cette petite ascension à cette journée 😉 En effet, c’est chouette. Ton pote, ça l’achève. Toi ça te tue mais tu ne t’en rends pas compte…


- Après un bon repas, nécessaire, direction la tente. Là, il te faut un festival de ronflements. Car ronfler et entendre ronfler toute la nuit vous assure, à toi et ton pote, de ne pas vraiment dormir. A croire que dormir c’est tricher…

- Le lendemain matin, le soleil dessine un paysage magnifique tandis que ton esprit (re)devient plus clair. Ton empathie fait son retour. Alors tu prêtes tes bâtons de randonnée à ton pote, histoire de l’aider dans la montée vers le col du Vallon.

- Un peu plus tard, toujours pendant l’ascension du col du Vallon, tu vois que ton pote est vraiment crâmé par le cocktail des nuits/journée précédentes. Tu décides de le délester en récupérant la tente qu’il porte. Jusque là, c’est cool, non ? Mais non, tu décides de la tenir à deux mains, devant toi. Et oui, la rando à l’aveugle, c’est bien plus rigolo.
- Maintenant que toutes ces conditions sont réunies, tu es au top. Tu décides de courir dans la descente du col du Vallon en direction du lac Lauvitel. Oui, oui, oui, sans tes bâtons et avec une tente qui te cache la vue !

Enfin, la nature, ton corps ou les deux ensemble te mettent par terre et te hurlent aux oreilles : “c’est pas fini les conneries !”. Rapidement, c’est la douleur qui hurle dans ta cheville. Ça parait bien gonflé. Là, tu redescends. Pas du col mais de cet état de stupidité. Ton pote n’a pas de réseau et toi non plus. Lors de ta chute tu as espéré, malgré les deux craquements bien nets que tu as entendus, que tu pourrais terminer la randonnée…Que nenni ! Impossible de poser le pied par terre. Ton cerveau s’active. Tu penses à ta voiture garée en bas, à ton pote qui n’a pas le permis, à tes enfants qu’il faudra emmener à l’école la semaine suivante, au fait que tu es en freelance et que tu n’as pas de prévoyance…Bref, c’est la sanction…un recadrage en bonne et due forme.
Par chance,un groupe d’étudiants et étudiantes en médecine emprunte le même itinéraire. Deux ou trois prennent leur pied…euh ton pied…enfin, ta cheville en main. ils enlèvent ta chaussure. Aie ! Ils enlèvent ta chaussette. Aie Aie ! Ils mettent du froid et semblent sûrs d’eux : la cheville est cassée. Par chance, une des étudiantes a du réseau. Elle appelle les secours et l’hélico est en route. Il faut que la foule d’étudiants évacue. En théorie, à une distance de 300 mètres du blessé…toi ! Rien à faire, ils veulent voir l’hélico et la suite de l’aventure…Ils descendent d’à peine 30 mètres.
Tu as droit à un spectacle vraiment impressionnant de bruit, de vent et de maîtrise technique lorsque l’hélico approche, rase la montagne et largue les deux secouristes. C’est lorsque l’un des secouristes s’écarte et parle dans son micro avec le central que tu comprends que tu ne vas pas marcher tout de suite :/ Ensuite, c’est atèle gonflable autour de la jambe et surtout, préparation pour l’hélitreuillage. Trois conseils majeurs de la part du secouriste à qui tu seras attaché :
- bien mettre la sangle du baudrier d’un côté pour éviter de perdre une couille (autrement appelé testicule hein 😉 ),
- le regarder lui et pas en bas pendant que l’hélicoptère volera et que, suspendus à un filin de moins d’un centimètre de diamètre, vous serez remontés,
- enfin, une fois remontés et devant la porte de l’hélico, ne pas tenter de s’accrocher !Attendre que le secouriste à l’intérieur de l’appareil t’assure et te tire au-dedans.
Points 1 et 2 OK et point 3…ben non pas OK. Réflexe de survie bordel. C’est pas naturel de voler accroché à quelques millimètres de câble !

Si tu parviens jusque là, n’oublie pas de sortir ton appareil photo ou ton téléphone pour filmer ou prendre quelques photos. Surtout si, comme dans mon cas, les secouristes te font une visite aérienne des lacs et massifs (je n’ai rien retenu).

Ensuite, c’est du classique :
- douleur, attente sur un brancard, tramadol, divigations, radios, verdict, plâtre…Ah attend une seconde, une petite anecdote me revient. En vol, l’hélico dépose les secouristes sur un autre accident, vraisemblablement plus grave. Je suis tout seul à l’arrière de l’hélicoptère. Le pilote et le co-pilote sont à l’avant. Changement de plan, on ne va pas à l’hôpital de Grenoble mais à la base. Là, ils ne savent pas quoi faire. Ils me descendent…sur une chaise de bureau à roulettes. Les minutes passent. Ils semble décidément bien perdus. Finalement ils ont le feu vert pour m’emmener aux urgences. Nouvelle traversée du hangar puis de la piste d’atterrissage en fauteuil de bureau (humm, qu’elles sont bonnes les secousses). Petit vol. Une fois posés sur l’héliport, le brancardier arrive et me fait descendre en m’attrapant… tatata…suprise…par l’atèle. Aie !!! Mais il est con ou il le fait exprès ?
- retour à Lyon, pas si classique que ça en fait. Obligé d’appeler un autre pote ayant le permis pour qu’il prenne un train et nous ramène
- rendez-vous chez l’orthopédiste (merci à lui au passage), uber, taxi ou bus pour accompagner les enfants à l’école, pas de salaire pendant 2 mois…kiné…
…bref, tu l’auras compris, tout ça c’est du second degré, hein 😉
Dans tous les cas, que tu aies vécu une expérience similaire ou non, que tu fasses de la rando ou non, je t’invite à réagir via les commentaires et à partager cet article via les petits boutons prévus. Et si tu as envie que j’écrive sur un sujet en particulier, n’hésite pas non plus 😉
Merci à toi et à bientôt.
Lien vers un topo de cette randonnée ici
4 novembre 2019 at 14 h 41 min
Je pourrais écrire un article comment se pourrir la vie pendant un an à cause d’une chute sur la Sainté…
Prends le 1 er samedi de décembre te rends à st Étienne avec 15000 d’autres fous , ta frontale et cours …
Ça c’est le principe , en 2017 20 cm de neige et du verglas … ressenti moins 10 degrés ..
Jusque là pas impressionnant jusqu’a ma chute pas loin du départ sur une route verglacée et en faisant le grand écart …
J’ai très mal et je serre les dents …moi abandonner …jamais …et ben grosse erreur …
J’arrive bien sûr à la fameuse halle Tony garnier et reçois mon t-shirt finisher …quel honneur ????♀️
Par contre le lendemain je ne marche plus …
Après deux mois d’errances et un IRM enfin ..pubalgie …et tout ce qui va avec ..un an de galère …
Cette Année je voulais me réinscrire …je vais mieux mais finalement ma raison a gagné ???
4 novembre 2019 at 16 h 03 min
Ludo
4 novembre 2019 at 16 h 19 min
Heureusement le narateur fait preuve d’une ironie particulierèment bien maniée ce qui apporte quelque chose de plutôt croustillant…
On voit bien qu’il est inutile de vous faire la moral sur ce que vous avez enduré et qu’il est évident que vous avez pris conscience des risques des erreurs commises que la montagne n’est pas un jeux mais ect…
Il y a quand même quelques point que je ne peux m’empecher d’éclaircir si vous me le permettez.
Malgres la mauvaise préparation en amont le manque de repos la fatigue installee depuis bientôt deux jours, j’ai quand même du mal a comprendre ce qui pousse un pratiquant a continuer toujours plus loins dans la fatigue; alors qu’il est évident de prendre l’option qui on le voit bien est la seul qui soit la bonne, c’est cette porte de sorti que la montagne vous propose.
Et elle donne sur la voit de la raison c’est a dire que quand on s’apercoit que sa devient trop risqué pour differentes raison; fatigue trop importante, manque d’éxperience, de matériel, météo…
Et bien en réalité il y a toujours cette « porte de sortit » qui arrive encor a temps, c’est le moment ou l’on s’apercoit qu’il est plus raisonnable a l’instant T de redescendre tout simplement, et que même si vous n’atteignez pas le sommet et bien ceci ne représente rien de honteux et personne ne vous le reprochera.
Bien entendu vous vous en sortez plutôt bien aussi, immaginez maintenant rester coincé la haut avec une bonne entorse?) sans personne pour vous trouver, sans résau téléphone et donc sans aucun secours ni soins avant que quelqu’un de la famille decide de faire quelque chose… des conséquences final que cela aurait pu avoir.
Cordialement merci de m’avoir lu
4 novembre 2019 at 16 h 30 min
4 novembre 2019 at 19 h 46 min
4 novembre 2019 at 21 h 45 min
5 novembre 2019 at 9 h 18 min
2 souvenirs de pareille aventure pour moi aussi: 3 cordées sur le glacier de la Pilate, un peu trop tard suite à la difficulté d’une personne à passer d’abord la barre rocheuse. La 1ère cordée « dévisse », avec le guide!! Ils disparaissent dans un tournant du glacier et se retrouvent emmêlés dans les cordes, blessés par les piques des crampons et les piolets…pas de réseau. L’un de nous se dévoue pour aller prévenir le refuge. L’hélico parvient à nous secourir tous, 2 par 2, dans le noir: 3 à l’hôpital de Grenoble, les autres au refuge….
Autre aventure: région du Gran Paradiso. Fin d’une longue journée. Certains ont du mal à gravir un passage rocheux et d’autres sont épuisés et peinent sur un pierrier. Je prends donc de l’avance pour aller au refuge et demander un peu d’aide, des cordes… Je cours….et tombe au bord du sentier. Je me rends compte que ma cheville est fracturée, me traîne à 4 pattes pour rejoindre le sentier et attends: pas de réseau…. Passage d’un couple d’Italiens qui appelle les secours. Je suis à 3200m, j’attends, accompagnée du couple puis d’une du groupe qui a rejoint. On entend l’hélico dans le coin….il tourne puis arrive enfin! Je suis hélitreuillée jusqu’à l’hôpital public d’Aoste, plâtrée….Dans le couloir des urgences, j’entends hurler mon prénom!!! c’est une dame de mon groupe gravement blessée car quand l’hélico me cherchait, il est passé trop près du pierrier sur lequel elle était assise et a fait se détacher une pierre qui lui est rentrée dans la hanche!!! Rappel de l’hélico! Elle sera soignée et rapatriée au plus vite….quant à moi, on me dit que je peux partir! seule, pas possible…ils ont pitié de moi et me logent dans une chambre avec 7vieilles dames !!! une infirmière francophone me permet d’occuper le 8ème lit jusqu’à 5 h du mat.avant l’arrivée de la « chef ». Un membre du groupe m’a tirée de là le lendemain….après bien des péripéties que je passe!
JE N’AI RIEN INVENTE!!!
5 novembre 2019 at 9 h 25 min
5 novembre 2019 at 14 h 11 min
J’adore ta prose et me suis replongé dans ton récit qui a l’époque n’était pas si drôle.
Comme quoi la mémoire vient avec le temps 😉
5 novembre 2019 at 19 h 06 min